Lysichiton

Doit-on diaboliser les plantes d’origine exotique au point de les bannir de nos jardins au profit des seules espèces locales ? Si certaines posent problème, nombre d’entre elles se révèlent cependant très bénéfiques.

Feuilletons le lexique  : qu’est-ce donc qu’une plante exotique ? Couramment, on y indique qu’il s’agit de tout végétal ne poussant pas naturellement dans un endroit et que l’homme introduit de manière artificielle. Suivant cette définition, beaucoup de plantes sont exotiques ! Ainsi la lavande en fait partie dans les Flandres et le hêtre l’est aux abords de la Méditerranée. L’érable sycomore lui-même n’est pas indigène dans toute la France. On estime qu’il a progressé vers le nord du pays au temps où les peuples gaulois se sont sédentarisés. Et, bien entendu, beaucoup d’ornementales de nos jardins sont originaires d’Amérique ou d’Asie.

La mauvaise réputation

Actuellement, ces malheureuses sont perçues d’un très mauvais œil. La très sérieuse OEPP (Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes) classe ainsi toute nouvelle plante exotique rencontrée dans la nature comme une maladie ou un parasite. Depuis le premier mars dernier, un certain nombre d’entre elles sont interdites de commercialisation et de transport au sein de l’Union européenne, la plus connue étant l’arum bananier (Lysichiton americanus). Les personnes qui en possèdent dans leur jardin ne sont pas tenues de l’arracher mais doivent veiller à ce qu’il ne se ressème pas. Le principe « pollueur égale payeur » est susceptible de s’appliquer à tout jardinier qui laisserait s’échapper cette plante (ou d’autres sur la liste qui en compte une vingtaine). Cette réglementation concerne les exotiques responsables d’invasions biologiques.

Des coriaces à deux visages

En Angleterre, un organisme de crédit peut vous refuser un prêt hypothécaire si la maison mise en gage comporte de la renouée du Japon dans son jardin ! Reynoutria japonica est en effet incroyablement difficile à éliminer. Il existe ainsi, pour ceux qui désirent vendre leur bien, des entreprises spécialisées dans l’éradication de cette plante chez les particuliers. La coupable a pourtant ses défenseurs, dont certains écologues.

Après tout, sa floraison est riche en nectar et les tiges sont appréciées des insectes et des petits vertébrés. Cette ambroisie divine, contenue aussi dans certaines autres exotiques, régale bien des insectes butineurs, et pas seulement les abeilles domestiques, qui en ont bien besoin. Les bourdons, en raréfaction rapide, adorent par exemple les chèvrefeuilles exotiques, dont ils percent la base des fleurs pour boire le délicieux breuvage.

Les mahonias, avec leur floraison hivernale, offrent une ressource inespérée pour les insectes effectuant quelques sorties au cours des redoux. Et ces belles hospitalières ne se contentent pas de nourrir les butineurs. Elles fournissent aussi le gîte et le couvert à tous les animaux possibles. En offrant une grande diversité de plantes et de milieux différents, vous contribuerez à constituer une large palette biologique dans votre jardin.

Ainsi, l’herbe de la pampa aux feuilles coupantes comme des rasoirs, autre végétal décrié pour son caractère invasif, procure un abri aux hérissons, aux crapauds et aux passereaux nichant bas, comme l’accenteur mouchet. Vouloir y mettre le feu constitue à coup sûr un massacre pour les animaux qui y sont bien cachés… Autre exemple : le chèvrefeuille du Japon, terriblement prolifique, est apprécié d’une faune étonnamment variée, depuis les insectes butineurs jusqu’aux lézards, qui grimpent dans la ramure pour les capturer.

La règle des trois S

Comment savoir si une plante exotique peut être introduite au jardin sans créer un désagrément quelque part ? Il suffit de l’examiner plus en détail. Elle doit être solide, stérile et serviable. Solide, c’est-à-dire ne demandant pas trop de protection ou de traitement pour rester en bonne santé au jardin. Stérile, pour ne pas se ressemer ou féconder d’autres sujets aux environs. Serviable, en rendant un service significatif à la faune, grâce à son nectar ou sa ramure bien adaptée à la nidification. C’est souvent ce dernier paramètre qui est difficile à établir, car le bénéfice des plantes exotiques est peu connu. Le thème est même devenu un peu tabou… Mais rien ne vaut une approche pragmatique. Dans le jardin d’aujourd’hui, agir sans idéologie mais avec précaution devient impératif !

Evitez les plantes tueuses

Quelques végétaux détiennent la faculté maléfique de faire mourir un certain nombre d’animaux par leur toxicité ou en les piégeant impitoyablement. Comme l’onagre rose (Œnothera speciosa), l’araujia porte-soie tuent les papillons dont la trompe se coince dans la fleur. Incapables de se dégager, ils finissent par dépérir. Le tilleul argenté (Tilia tomentosa) est plus insidieux encore : il offre aux abeilles et aux bourdons un sucre qu’ils ne peuvent digérer, mais dont ils se gavent. On trouve ainsi bon nombre d’insectes mourant le ventre plein au pied de l’arbre.

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