Solitaire mais solidaire, l’érable sycomore accueille en son écorce mousses, lichens, algues ou champignons. Une présence qui se décline en multiples œuvres d’art. Invitation au vernissage !

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Des 200 arbres et arbustes qui constituent la famille des érables dans l’hémisphère Nord et les montagnes tropicales, une demi-douzaine seulement est présente en Suisse et en France. Parmi ces acéracées, l’érable sycomore peut atteindre jusqu’à 30 mètres de haut. Le Suédois Carl von Linné, père de la taxonomie moderne, l’avait nommé Acer pseudoplatanus. Pseudoplatanus car, avec l’âge, son écorce se détache en plaques, tandis que ses feuilles lobées rappellent le platane. Et Acer qui en latin signifie fort, intense ou dur. Comme son bois.

En vieillissant, la peau lisse de l’érable se crevasse peu à peu, devenant incroyablement accueillante. L’ombre apportée par le feuillage et l’humidité qui perdure dans les fentes constituent un microclimat particulier favorable à un formidable collectif d’artistes. Mousses, algues et champignons se côtoient et s’associent pour présenter une galerie d’œuvres aux structures inimitables, aux géométries sculpturales ou aux teintes éblouissantes dignes d’un Monet.

Un art qui s’affiche parfois sur quelques centimètres carrés d’écorce seulement. De nombreux visiteurs sont invités à ce vernissage en vert… En témoigne cette foule de bestioles attirées par la profusion de nourriture, par ces mousses et lichens rendus appétissants grâce aux pluies d’automne qui ont arrosé les troncs. Ainsi, les petits escargots rampent sur l’écorce pour consommer les tapis d’algues qui s’y développent. Les pucerons verts de l’érable profitent, quant à eux, de déguster encore un peu de la sève sucrée du sycomore avant que les feuilles ne tombent à terre.  

Ces arthropodes qui grouillent entre les mousses deviennent à leur tour source de nourriture pour de nombreux oiseaux. La sittelle torchepot, qui a niché dans une vieille loge de pic épeiche quelques mètres plus haut, descend tête en bas en tournoyant le long du tronc, picorant des araignées. Quelques grives brisent consciencieusement la coquille des escargots pour se nourrir de leur chair. Plus haut, entre les samares, un pouillot véloce sur le qui-vive est en attente de juteux pucerons.Et voilà qu’une bise noire de fin novembre déclenche une pluie de samares virevoltantes. Les dernières feuilles qui avaient résisté jusque-là s’abandonnent au vent.

Bientôt, le gel figera encore plus la géométrie des lichens. Les artistes rangent leurs pinceaux ou leurs ciseaux et les visiteurs se font plus rares. Certains se cachent, d’autres meurent ou dorment. Comme l’érable.      

Astuce : pour admirer les peintres et graveurs de l’érable, profitez de la lumière de fin de journée. Une heure ou deux avant le coucher de soleil, scrutez avec une loupe de poche les richesses de l’écorce. Lichen, mousse, champignon ou algue ? La nuit tombée, observez à la lampe frontale l’arrivée des visiteurs : mollusques et cloportes ont une activité essentiellement nocturne. Privilégiez les soirées sans vent et ne cassez pas les lichens. Leur croissance est extrêmement lente !

Distinguer le bon angleLes fruits des érables sont des disamares. Elles sont constituées de deux graines collées entre elles et munies chacune d’une aile membraneuse favorisant la dispersion par le vent. La position des deux fruits est caractéristique de l’espèce. Les samares du sycomore se séparent à angle presque droit. Celles de l’érable champêtre dessinent un angle de 180°, celles de l’érable à feuilles d’obier et de l’érable plane forment un angle obtus.

InsoliteLes lichens, dont on compte pas loin de 2 000 espèces en Suisse et en France, sont le fruit d’un mariage de convenance arrangé par l’évolution. Une étroite collaboration entre des algues ou des cyanobactéries et des champignons, qui a commencé il y a plus de 600 millions d’années ! Une relation qualifiée de symbiose mutualiste, car les deux associés tirent des avantages de cette vie commune. Le partenaire végétal produit par photosynthèse les sucres nourrissant le champignon, alors que ce dernier protège l’algue et lui fournit l’eau et les sels minéraux indispensables à son métabolisme. Les lichens poussant sur les troncs et les branches, comme Parmelia sulcata ou Pseudevernia furfuracea, sont nommés corticoles.

Textes ALESSANDRO STAEHLI, Dessins et notes de terrain Benoît perrotin

En partenariat avec salamandre DECOUVERTES

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