Au pays des pommiers, il est un jardin enchanteur, tout de floraisons printanières qui s’élancent vers le ciel. Car au Jardin des Prés, ce qui préside à chaque agencement, c’est l’art du regard, celui de sa créatrice, aquarelliste, qui conçoit ses plantations comme d’autres un tableau minutieusement, amoureusement, mis en scène.
La propriétaire des lieux, Joëlle Pessy, aime à plaisanter : « Après tout, nous sommes en Normandie ! » Le décor est planté, la région est largement réputée pour ses pommiers que l’on imagine volontiers abritant quelques vaches paisibles. Et si au Jardin des Prés, plus rien n’y rumine depuis longtemps, les arbres abondent. Alors, bien entendu, avec des floraisons généreuses et luxuriantes comme celles-ci, Joëlle et son mari ont mis en scène des mariages aussi subtils que raffinés. Avec ses 3 000 m², le jardin n’est pas des plus grands pour ce genre d’exercices (les arbustes à fleurs prennant de la place), mais le fait qu’ils soient serrés en massifs offre finalement de multiples avantages. Tout d’abord, un entretien optimisé grâce à nombreuses vivaces qui peuvent vivre à leurs pieds. Ensuite, dans cette masse foisonnante ont été dessinés des sentiers de gazon qui structurent le cheminement. Enfin, une plantation dense encourage la croissance des sujets en hauteur qui, lorsqu’ils fleurissent, emplissent le ciel de corolles.
Un effet d’harmonie
Mais il ne faudrait pas réduire le lieu aux seuls pommiers. Bien d’autres ligneux peuplent le jardin, comme toutes les essences à écorce décorative, belles en toute saison, à l’image du bouleau de Jacquemont ou de l’érable grisâtre. Ainsi, ce qui distingue l’endroit, c’est le soin apporté à chaque plantation, longuement réfléchie. De même que la conjugaison des massifs. Dans la couleur ou l’aspect, chacun d’eux est conçu en harmonie avec les autres, afin de ne pas créer de rupture visuelle. Il faut dire que Joëlle a l’œil puisqu’elle est aquarelliste. Cela vaut bien un regard de paysagiste lorsqu’il s’agit d’imaginer la scène que produira un arbuste, de nombreuses années plus tard !
Le fruit du hasard
Inutile de chercher de signification particulière dans l’agencement des lieux, il s’est dessiné au gré du hasard, petit à petit. Toutefois, Joëlle et Hubert ont bénéficié des précieux conseils de leur amie la princesse Sturdza. Celle qui régnait en maîtresse absolue sur le célèbre domaine du Vasterival situé non loin de là, leur avait accordé sa confiance et sa connaissance, et les a notamment encouragés à acquérir les plantes dignes d’intérêt sans se soucier de leur valeur botanique. Désormais pour Joëlle, le principe est clair : la valeur jardinière d’une plante ne réside pas dans sa rareté… Ce qui, ceci dit, n’empêche pas le Jardin des Prés d’être aussi un haut lieu de botanique, car il héberge la collection nationale des géraniums vivaces dressée par le Docteur Évrard. Lorsqu’ils sont en fleur au printemps, l’effet de tapis multicolore est saisissant. Les précieux spécimens ont été installés dans une parcelle du jardin spécialement créée pour eux, le maintien d’une collection de ce type nécessitant un certain nombre de contraintes au niveau de l’entretien. Regard sensible et gestes minutieux, le Jardin des Prés, près de Rouen, est un trésor de découvertes et de sensations. Mais malgré ces atouts de charme et son professionnalisme, il reste assez méconnu du grand public. Pourtant, jardiniers, botanistes et rêveurs y trouveront leur bonheur ; mais ne dit-on pas justement qu’il est dans le pré ?
Texte et Photos B.G. média
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