Joyeux mélange

L’île est surtout connue pour son vin, mondialement apprécié. Mais son climat doux et son sol richissime en font avant tout un paradis pour les plantes de toutes origines même en plein cœur de l’hiver. José Berardo, né sur ces terres, y a établi un jardin incroyable, parmi les plus riches de la planète.

À 600 km des côtes africaines, l’île de Madère est une montagne dans la mer. Son passé volcanique lui a donné des terres riches, tandis que son climat, aimablement tempéré par l’océan, jouit d’une hygrométrie moyenne régulière et ne se trouve ainsi jamais trop chaud ni trop froid. Idéal donc pour que toutes les plantes du monde ou presque puissent y prospérer sans peine, d’autant que l’eau, soigneusement canalisée dans un réseau multiséculaire (les célèbres « levadas »), y abonde toute l’année. Le rêve de tout jardinier, en somme. Devenu réalité pour José Berardo, mécène natif de l’île, qui y a acheté une propriété de 7 hectares entourant un ancien hôtel de luxe. Il a ainsi créé un jardin aux mille facettes, où se rencontrent l’Asie, l’Afrique, l’Amérique et l’Europe, sans oublier un rassemblement de la riche flore endémique locale, et ouvert au public depuis vingt-cinq ans.

Un relief marqué

Situé légèrement à l’extérieur de Funchal, la capitale de l’île, le jardin est aisément accessible… par téléphérique. À 500 m d’altitude, la petite commune de Monte où il se situe a de tous temps été la banlieue chic où les riches Madériens (et nombre d’étrangers prestigieux) avaient coutume de se réfugier en été, loin des touffeurs de la ville. Dès les premiers pas dans le parc, l’atmosphère est plantée, car le dénivelé de plus de 100 m a fait naître une multitude de chemins qui suivent les courbes de niveau. Les ambiances changent radicalement d’un palier à l’autre, passant du jardin d’inspiration japonaise à des terrasses mauresques, puis à des alignements de palmiers tropicaux, un jardin de bruyères, un sous-bois local… Le tout se terminant, au point le plus bas, par un lac tout à fait européen, dans la tradition fin XIXe, peuplé de cygnes et de canards exotiques.

Tout au long des allées, le fondateur, amateur d’art éclairé, a rassemblé sur les murs des panneaux de céramique (« azuleijos » en portugais), véritables tableaux des XIXe et XXe siècles racontant la vie portugaise, locale, continentale, voire coloniale.

Une gamme infinie de végétaux

Riches de plus de 10 000 plantes, les collections ont de quoi dérouter l’amateur le plus averti. Les végétaux les plus représentés proviennent d’Afrique du Sud, où José Berardo a passé une partie de sa vie, comme nombre de Madériens liés depuis longtemps à cette pointe de l’Afrique. On y trouve en particulier une des plus riches collections de cycadacées, ces étranges plantes préhistoriques aux allures de palmier, classées entre les fougères et les conifères, aux palmes parfois férocement défendues par de solides piquants.

À l’ombre fraîche croissent des bosquets de fougères arborescentes, les pieds tapissés de clivias qui se ressèment généreusement, ou de bégonias arbustifs, toujours en fleurs. Des allées de palmiers conduisent vers les zones ensoleillées qui accueillent, quant à elles, les bruyères, et surtout une belle gamme de protées, ces buissons du « veld » sud-africains (l’équivalent de nos garrigues), aux fleurs étranges et spectaculaires, et même des cannes à sucre qui ont joué autrefois un rôle important dans l’économie locale.

Toute une pente est dédiée aux plantes indigènes, à commencer par le laurier des Açores, très proche du nôtre, mais également aux magnifiques vipérines arbustives (Echium), aux fougères rampantes (Woodwardia), aux scilles de Madère, aux dragonniers et autres merveilles rarissimes. En deux heures de temps (car il faut bien ça pour découvrir ce parc incroyable), on fait un tour du monde des jardins tropicaux, en oubliant totalement où l’on se trouve en réalité. Quelque part sur la terre, une terre riche de son histoire. Et surtout aimée.

Texte Alexandre Bourgeois – Photos Philippe Perdereau

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Mon jardin & ma maison