Pièces de cuir

Vénéré depuis la nuit des temps, le bois du micocoulier, souple et robuste, se plie à tous les usages, et à celui des cravaches en particulier. Visite aux Micocouliers, un atelier Esat qui perpétue la production artisanale, de l’abattage du bois à la finition du produit.

Pour trouver le micocoulier, il faut se rendre dans le massif des Albères, contrefort pyrénéen plongeant dans la Méditerranée. Cet arbre de la famille de l’orme, qui aime le soleil, se nourrit des terres riches et profondes de la région. On le reconnaît à son écorce gris cendré tachetée de blanc et à sa silhouette élancée aux branches majestueuses. Pour les peuples de l’Antiquité, c’était d’ailleurs un arbre sacré, tandis que les Gaulois trouvaient en lui des vertus de force éternelle. Appelé aussi « arbre à cravaches », il est cultivé dans la région depuis le XIIIe siècle. Les charretiers s’y confectionnait déjà des baguettes pour conduire leur attelage, il servait également à fabriquer des cannes à pêche, ou bien encore des flûtes. De nos jours, ce savoir-faire renaît dans l’atelier Esat Les Micocouliers, situé dans le petit village catalan de Sorède.

Les gestes d’antan

Tout commence avec la coupe des arbres. Une opération soigneusement préparée qui se déroule après la pleine lune, à la chute des feuilles, afin d’éviter le ver du bois.  D’une teinte jaune qui va s’éclaircir avec le temps, il est mis à sécher pendant une année, avant de pouvoir être travaillé. Au fil du temps, les procédés ont évolué mais les gestes sont restés les mêmes. Certaines machines fonctionnent encore à la vapeur, d’autres datent des années 60. Dans l’atelier, les copeaux de bois volent, les moteurs ronronnent bruyamment. La fabrication est unique au monde…

Une technique patiente

Seul le tronc est utilisé. Débité en suivant le fil du bois, il est coupé pour obtenir des ébauches constituées d’un manche et quatre brins. Ceux-ci sont alors taillés en cylindre puis gorgés de vapeur dans une étuve afin de s’assouplir et être torsadés à la main. On retrouve à ce stade tout le charme du vocabulaire d’antan, avec un tressaire (l’ouvrier en charge de l’opération) muni d’un tourne-à-gauche (pour tourner le bois à torsader). Arrive ensuite le temps du séchage du bois, devenu plus clair mais qui garde en lui quelques reflets sombres. Puis, place aux finitions. Une fois le manche de la cravache taillé en machine, ce sont de nouveau les mains qui prennent le relais. Minutie et patience sont de mise pour le ponçage. Pour terminer, des pièces de cuir serviront à gainer les manches de cravache ou à tresser des fouets.

Des filières de luxe

Le bois de micocoulier est particulièrement recherché pour des usages nécessitant souplesse et résistance. Dans le monde du sport équestre, c’est la référence. Parmi les clients fidèles de l’atelier, certains sont prestigieux comme le sellier Hermès. Ce dernier leur fournit les pièces de cuir pour habiller les cravaches. Suivant la mode, les coloris varient, cette année la tendance étant au rouge feu et au bleu Mykonos. C’est la touche Hermès. Selon les demandes, l’atelier conçoit aussi des bâtons de marche et des cannes pour les particuliers, ainsi que des objets en bois tourné, comme des pieds de lampe ou des vases.

Les retrouver : Une petite boutique jouxte les ateliers. On peut y trouver toute une gamme d’articles équestres et de chasse, mais aussi des objets fonctionnels en bois de micocoulier. Rue du Stade 66690 Sorède.

Texte Elise Chevillard – Photos Clément Bolano

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