Le sentier des douaniers

Entre mer et jardins, le Cotentin fait pousser les rêves verts les plus fous grâce à un climat constamment doux. Embarquement immédiat pour le bout du monde, au fil du chemin des douaniers.

duit par la poésie de cet étonnant bout du monde, Prévert avait posé son sac dans le plus petit port de France, tout en haut du Cotentin, au nom prédestiné pour des amateurs de jardin : Port Racine. Le poète voulait finir sa vie en toute tranquillité dans son « Finistère normand ». Après sa disparition en 1977, ses amis lui ont rendu hommage en créant un ravissant jardin dans la commune voisine de Saint-Germain-des-Vaux. Ils y ont chacun planté leur arbre préféré : Yves Montand un pin maritime, Serge Reggiani un poirier pleureur, Doisneau un tilleul, et Arletty un thuya bleu. D’autres offrirent des sculptures, créant ainsi une atmosphère fantaisiste. Labellisé Jardin remarquable, l’espace est désormais ouvert à la visite. Afin de rendre la balade entre plus rêveuse, un recueil de poèmes est distribué à l’entrée pour vous accompagner au sein de cette nature foisonnante et romanesque…

Dauville, exotique

On poursuit l’escapade en poussant tout au bout du monde, au nez de Jobourg et au port de Goury, dernier abri avant les terribles courants du Raz Blanchard, puis l’on plonge dans l’oasis de Vauville. Construit en pierres du pays, son château est l’un des plus beaux exemples de maisons fortes du Nord-Cotentin. Et c’est par ses douves que l’histoire du jardin botanique de Vauville a commencé dans les années 50. Les propriétaires se servirent de l’abri naturel du manoir et du fossé qui l’entoure pour protéger les premières plantations… Cinquante ans plus tard, ce sont 4 hectares qui ne cessent d’évoluer sous la houlette de Guillaume Pellerin, le fils des fondateurs. Ils abritent plus de 500 espèces de l’hémisphère austral qui créent une atmosphère subtropicale ! Car malgré la violence des vents d’ouest, le Gulf Stream réchauffe cette côte nord-ouest de la Hague, créant un environnement favorable à l’acclimatation de plantes inhabituelles sous cette latitude. Les végétaux les plus robustes forment des haies brise-vent afin d’abriter les plantes les plus délicates. Ce n’est donc pas un mirage que cette multitude de palmiers, luxuriantes fougères, aloès et autres exubérants Echium pininana.

Flamanville, flamboyante

Maintenant direction Flamanville, souvent connue pour sa centrale nucléaire, mais où l’on peut surtout découvrir la collection nationale des dahlias la plus importante de France, créée en 2005 à l’initiative d’admirateurs inconditionnels de cette fleur. Près de 1 200 variétés sont réunies dans l’ancien potager du château, propriété communale. Introduit en Europe à l’époque de la Révolution française  en vue de nourrir le peuple comme la pomme de terre ou le topinambour, le dahlia a d’abord été considéré comme légume. Mais le goût acre de son tubercule ne lui a guère laissé de chance de charmer l’assiette des Français et, après d’innombrables croisements, il s’est taillé une place d’honneur au jardin bouquetier. Il y en a pour tous les goûts, toutes les formes et toutes les couleurs : pompon, cactus, géant, nain, dentelle, quand il ne se fait pas caméléon en ressemblant aux fleurs de pivoine, d’anémone, de nénuphar, de clématite… 

Nacqueville, romantique

Pour peu qu’on découvre le parc et le château de Nacqueville un jour de brume légère, on s’embarque dans un rêve d’« Alice au pays des merveilles ». Au bout d’une longue avenue creusée dans le roc, on pénètre dans une vallée magique. Au fond, un grand château de granit se reflète dans un étang avec, en premier plan, une poterne à pont-levis posée sur une vaste pelouse. Si ce paysage semble spontané, il est en réalité très composé. En 1830, Hyppolite de Tocqueville, frère du célèbre écrivain, fit appel aux services d’un paysagiste anglais pour dessiner le parc. C’est avec un véritable art de la mise en scène que ce dernier a planté un décor végétal. Des gunneras géants puisent leur force dans l’étang, alors que les rhododendrons forment des sous-bois et qu’un imposant cryptoméria dresse ses formes tourmentées. Tout ce qui pousse ici a des dimensions surnaturelles !   

Texte Marie Le Goaziou

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