Broughton Grange : un jardin anglais qui bouleverse les codes !

Les aristocratiques jardins de Broughton Grange se reposaient sur leurs lauriers. Tom Stuart‑Smith les a réveillés, en enrichissant les 10 hectares conçus à l’époque victorienne d’un jardin en terrasses de 25 000 m². Ils sont devenus la pièce maîtresse de ce vaste domaine de 120 hectares. Dans cette traditionnelle campagne oxfordienne, le visiteur s’attendrait à une leçon de rigueur géométrique. Pourtant, une fois franchi l’antique mur de briques rouges, les lignes droites s’effacent. Elles laissent place à une exubérance de formes et de couleurs qui surprend et égare délibérément le regard et les pas.

Révolution géométrique

Quand, en 2001, le propriétaire de Broughton Grange décide de redessiner cette partie du jardin, il s’adresse à Tom Stuart‑Smith, faisant ainsi le choix de l’audace. En effet, auréolé d’une prestigieuse médaille d’or décernée par la Royal Horticultural Society, ce paysagiste incarne, avec Piet Oudolf, le renouveau d’un courant naturaliste.

Pour commencer, il choisit d’asseoir le jardin sur un terrain en pente et de le situer volontairement à l’écart de la propriété. Il s’ouvre, au premier plan, sur le futur arboretum de 40 hectares, où plus de 1 000 arbres ont été plantés depuis 2003. En toile de fond, de vertes vallées sillonnées de haies bocagères, mises en scène grâce à des percées, des perspectives dégagées et des rappels à la palette locale.

Loin du regard, le jardin pourra plus facilement s’affranchir des modes et des codes victoriens. Ici, pas d’ostentation, juste de l’émotion suscitée par une profonde harmonie. Sur la terrasse inférieure, un labyrinthe de buis taillés. Sur celle du haut, une quinzaine d’ifs colonnaires et de charmes en topiaire promènent leurs silhouettes anthropomorphes dans une garrigue buissonnante.

Le terrain pauvre et ensoleillé a dicté l’évidence de cette palette méditerranéenne peu exigeante. Le paysagiste-jardinier préfère s’adapter plutôt qu’imposer. La terrasse médiane joue à fond le contraste entre le vide et la profusion. D’un côté, la vaste prairie fleurie foisonnante semble indomptée. De l’autre, un immense bassin de pierre rectangulaire fait miroiter ses eaux sombres face au vide.

Symphonie des quatre saisons

Tom Stuart‑Smith a orchestré ce jardin comme un hymne végétal déclinant toute la gamme chromatique. Joyeusement colorées de mai à août, les trois terrasses offrent une explosion de couleurs. Sur celle du bas, 5 000 tulipes garnissent les cellules du labyrinthe. À l’étage intermédiaire, la prairie densément plantée d’iris, polygonums, rodgersias et autres renouées géantes vibre dans une polychromie dominée de violet. La terrasse supérieure, envahie par les capuchons jaune pâle des Phlomis russeliana, les sauges et alliums roses ou violets, exhale des senteurs méditerranéennes.

Sous la mélancolie de l’automne, le jardin s’embrase dans une harmonie de rouges, oranges et marrons dorés. Le feuillage bronze du miscanthus et le rougeoiement des hêtres taillés en topiaire, des marronniers et des érables illuminent et réchauffent les verts sombres des ifs et les bruns fanés des zones herbacées.

L’hiver livre une ambiance spectrale et sévère. Voilés de givre, les différents espaces s’uniformisent dans un monochrome blanc qui révèle la dureté des formes et des textures. Les espèces sont choisies pour leur tenue et leur résistance au froid. Du printemps à l’hiver, le jardin se réinvente un nouveau style qui va droit au cœur.