Traiter les arbres fruitiers

En jardinage biologique, on autorise une large palette de produits aux effets puissants et pas toujours anodins. Or, la vraie logique de ce type de culture c’est de prévenir avant de guérir.

Penser le jardinage bio en termes de produits doux est une erreur. En effet, une pratique qui respecte l’environnement voudrait que l’on se focalise sur les moyens d’éviter les problèmes, au lieu de chercher à les résoudre par une « chimie verte ». Les solutions biologiques ont en effet une action plus marquée que l’on peut penser et il vaut mieux les employer à bon escient pour ne pas créer plus de dommages qu’on voudrait en résoudre… Tous les produits ne sont pas concernés, bien sûr, mais certains appellent un emploi raisonné.

Une toxicité cachée

Parce que la bouillie bordelaise agit à long terme, ses effets nocifs ont longtemps été ignorés. Alors que ses vertus ne sont plus à noter, en particulier dans le domaine des attaques de bactéries pour lesquelles elle constitue l’une des rares solutions avec les huiles essentielles, elle a l’inconvénient d’inhiber petit à petit la vie du sol quand elle y pénètre. C’est l’oxyde de cuivre qui est responsable de cette évolution, même s’il faut des années et des années de traitement à un même endroit pour parvenir à cette situation irréversible. Cette préparation ne devrait donc être employée qu’en utilisation curative (une fois que la maladie s’est déclarée), et non pas de façon préventive. Le soufre, autre produit de traitement très apprécié, ne présente pas cet inconvénient, mais il n’est efficace qu’en prévention et non pour obtenir la guérison. Tout repose donc sur une prophylaxie attentive pour ne pas avoir à traiter après l’apparition des bactéries.

Des effets collatéraux

D’autres composés encore peuvent être toxiques s’ils sont utilisés de façon inadaptée. Le savon noir, par exemple, lessive la couche de cire qui donne sa couleur bleutée à de nombreux végétaux au feuillage dit « glauque », comme beaucoup de plantes grasses. En éliminant cette protection naturelle pour la plante, on la prive d’une défense, là où on comptait la protéger ! Le tourteau de ricin, répulsif efficace contre les rongeurs et les ravageurs du sol, peut être lui aussi nocif. En effet s’il n’est pas enfoui sous terre, il constitue un véritable poison, en particulier pour les chiens qui y sont très sensibles, mais aussi d’autres mammifères. Par ailleurs, les insecticides à base de pyrèthre, une astéracée originaire des Balkans, ne doivent jamais gagner l’eau d’un bassin ou d’une rivière car ils peuvent intoxiquer les poissons. Notez que par « pyrèthre », on entend normalement un extrait naturel de la plante en question, et non pas une molécule de synthèse qui reproduit son effet (qu’on nomme pyréthrinoïde). Ces substances, si elles portent la mention « autorisé en agriculture biologique », n’ont pas les mêmes vertus que celles de l’extrait végétal car elles laissent facilement apparaître des souches résistantes : on est bien dans la chimie verte. De toute façon, naturel ou pas, cet insecticide ne fait pas la différence entre un puceron et la coccinelle, dont la larve est le prédateur. La solution réside dans une approche plus fine.

Plus de vie, pas moins !

En favorisant au jardin une plus grande diversité de la flore et de la faune, on multiplie les chances de réponse face aux nuisances. Il y a ainsi moins de risque de voir une infestation ou une invasion se produire. Ceci est particulièrement vrai pour les ravageurs, qui voient leurs effectifs d’autant moins croître qu’ils trouvent face à eux des prédateurs nombreux et variés. C’est pourquoi, dans quelques vergers professionnels par exemple, on peut installer des nichoirs (jusqu’à 5 pour 2 000 m²) et des refuges à auxiliaires, tels que guêpes et abeilles solitaires. Les araignées ont elles aussi une utilité de premier ordre : il faudra apprendre à cohabiter avec… En ce qui concerne les maladies (causées par des champignons, des virus ou des bactéries), cette diversité foisonnante n’est pas aussi efficace, d’autant plus que les nouvelles maladies sont très virulentes, comme le dépérissement du lilas ou le chancre du platane. La prévention et la plantation à bon escient (ne pas installer une plante dans un endroit qui lui est défavorable) restent entre autres les meilleurs outils du jardinier. Bien plus que le pulvérisateur !

Texte et photos Franck Boucourt et Jean-Michel Groult

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