Le réveil du vieux mur

Après de longs mois de sommeil, le mur en pierres sèches s’animera sous la chaleur du soleil printanier. Exploration d’une falaise miniature.

Dans la fraîcheur matinale, une lumière rasante dessine le contour édenté d’un vieux mur. Ses pierres sont agencées selon un équilibre subtil et portent la marque du passage des saisons et des années. La vie s’accroche dans ses anfractuosités pour se marier intimement avec le monde minéral.

En février, le mur s’apprête à vivre une fois de plus l’arrivée du printemps et le réveil foisonnant de tous ses habitants.Les punaises et les coléoptères sont les premiers à sortir de leurs cachettes. Ils avancent mollement sur le tapis de mousse et s’immobilisent dans un rayon de soleil, le temps que leurs élytres se réchauffent. Des gendarmes sont collés par l’extrémité de leur abdomen. Ils s’accouplent en se promenant comme si de rien n’était. Non loin de là, un lézard des murailles s’aplatit contre la pierre pour absorber un maximum de chaleur. Au moindre mouvement, il est prêt à se réfugier dans le ventre du mur. Les plus jeunes ont déjà quitté leur promontoire ensoleillé pour rendre visite aux femelles ou pour se poursuivre énergiquement.

La vie au fil du temps

Pendant ce temps, du côté sombre, l’ambiance est fraîche et humide. Une limace léopard entreprend l’ascension de la face nord et croise en chemin des escargots qui s’enlacent longuement. Juste après sa construction, le mur était presque stérile. Il a fallu du temps pour que le vent et la pluie y amènent de la vie. Les mousses figurent parmi les pionnières. Mais contre ce désert minéral, mieux vaut rester groupées en coussinets pour conserver un peu d’humidité. Les lichens non plus ne craignent pas le soleil. Des pigments colorés les protègent contre les rayons ultraviolets. Bientôt, quelques fougères spécialisées s’accrochent à la pierre. Puis, année après année, la matière organique s’accumule dans les interstices. Une fine couche de terre peut dès lors accueillir les premières plantes à fleurs. La végétation retient et stocke de mieux en mieux l’humidité. Le mur est devenu une sublime mosaïque vivante.

Adaptations à la verticale

Le mur est un habitat plutôt inhospitalier pour les plantes. Mais certaines espèces se sont adaptées à ses conditions difficiles. C’est le cas de la cymbalaire, qui égaie les murs avec ses fleurs violettes et ses feuilles persistantes. Cette petite plante a trouvé une astuce pour que sa descendance ne quitte pas la fissure où elle s’est implantée : le moment venu, les pédoncules portant ses fruits mûrs se contorsionnent vers l’arrière pour glisser les graines dans les fentes du mur.

Contre la sècheresse, la fougère cétérach officinal peut même rouler ses feuilles. Cette adaptation lui permet de n’exposer à l’air libre que leur revers écaillé qui possède ainsi comme une combinaison antitranspirante. Enfin, incroyable grimpeur, le lierre s’agrippe avec ses crampons et se colle aux pierres pour bénéficier de la meilleure lumière. Il permet alors à d’autres espèces de s’installer dans son feuillage, comme des coléoptères, des oiseaux et des petits mammifères.

Textes : Sofia Matos & Sophie Giriens (La Salamandre)

Dessins et notes de terrain: Olivier Loir

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