Jardin du château du troncq

Dans l’Eure, le parc du château du Troncq est sorti de son long sommeil grâce au talent de l’architecte et paysagiste Clotilde Duvoux, qui lui a redonné formes et couleurs.

Dans le département de l’Eure, le parc du château du Troncq (9,5 ha) prouve que les exigences du XVIIIe siècle peuvent s’accorder aux interprétations contemporaines de l’art horticole. C’est même un modèle du genre, riche d’inspiration pour tous les jardiniers amateurs. Avec le temps, le grand potager était devenu prairie, la cour d’honneur un simple belvédère d’allées et de parterres réguliers, les murs de terre une enceinte cimentée. Après de nombreuses recherches historiques et relevés de terrain menés en collaboration avec Gaëlle Bazennerye, les travaux, commencés en l’an 2000, se sont prolongés pendant sept ans sous la direction de Clotilde Duvoux.

« J’ai d’abord cherché à révéler le lieu à lui-même, à ses propriétaires, aux personnes qui l’entretiennent, à ses visiteurs. J’ai essayé de créer un jardin heureux, qui soit source de bonheur », commente Clotilde. Et d’ajouter : « Dans un parc, il faut façonner de larges espaces dont les liens se nouent sans heurts, donner un rythme et un ton propres à la promenade, tout en rassurant ici et en surprenant là. » Le parc du Troncq répond parfaitement à cette démarche : une recherche d’harmonie entre toutes les composantes du lieu, une complicité entre la terre et le ciel, à l’image de celle des arbres, des fleurs et des papillons.

De la reconstitution de la cour d’honneur à celle des murs en terre en limite de propriété, qui embellissent le parc et le village du Troncq, les travaux ont exigé des efforts peu communs. La nature, pas toujours coopérative, s’est même chargée de les compliquer : en décembre 1999, la tempête coucha les arbres par centaines et il fallut réhabiliter l’ensemble des bosquets. Replantés, ils ont retrouvé leur vocation première d’agrément, tandis que les nouveaux alignements de tilleuls atteignent déjà une hauteur moyenne de 6 mètres. En mémoire du potager originel, les quatre carrés qui le formaient ont été tracés et matérialisés par autant d’enclos ceints de clôtures en bois de chêne, dont les croisillons dessinent des losanges. « Leur hauteur, précise Clotilde, a été calculée avec beaucoup d’attention, pour structurer le lieu sans créer de barrières oppressantes. »

Trois des carrés sont aujourd’hui pâturés par les moutons. Adjacent à une serre et à une petite orangerie, le dernier accueille fleurs et légumes. C’est un jardin lumineux, où les nuances orangées dominent tout l’été. « J’ai privilégié la couleur orange, très lumineuse, car elle joue à la perfection avec celle des murs de terre, mais aussi des briques de Saint-Jean avec lesquelles a été bâtie l’orangerie », commente la paysagiste, en insistant sur la gaieté qui émane ainsi de l’ensemble. Bigarreaux ‘Coeur de Pigeon’ et ‘Géant d’Hedelfingen’, cerises ‘Belle Magnifique’, poires ‘Conférence’ et ‘Beurré Hardy’, pommes ‘Claque Pépin’ et ‘Reinette Clochard’, mirabelles de Metz et de Nancy, prunes ‘Reine-Claude Violette’ et ‘Reine-Claude d’Oullins’…

Le verger originel du château du Troncq, partiellement détruit au fil du temps, accueille aujourd’hui toutes ces variétés fruitières, tandis qu’en bordure du potager, s’épanouissent groseilles, framboises, cassis et fraises. Soudain, cette Normandie-là met les petits pots dans les grands. « Un jardin est réussi quand chacun y trouve son plaisir, tout âge confondu, en se promenant, en regardant, en bavardant, en lisant, en peignant, en s’amusant, en jardinant, en rêvant, mais aussi en dégustant ! » assure Clotilde Duvoux. « C’est un lieu où les plus petits éléments ont un sens auprès des plus grands. »

De l’élégance retrouvée de la cour d’honneur, tout en carrés de fleurs bordés de buis, au potager et au verger, où l’on s’étonnerait à peine de croiser les petites filles modèles de la comtesse de Ségur, le parc du Troncq sait faire naître toutes les sensations. « Il faut environ sept ans pour faire surgir un parc », conclut la paysagiste. Celui du château du Troncq, qui a largement dépassé l’âge de raison, nous invite aujourd’hui à tous les émerveillements.

Par Claire Ogier / Photos Emma Luvisutti (octobre 2010)

À propos de l’auteur
Sylvie Bendavid, assistée de Franck Talbourdet
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