Couverture

Tantôt sous-marins, tantôt corvettes, les foulques se livrent à des combats navals en miniature. Rendez-vous au port pour assister au spectacle.

Aujourd’hui, le lac se prend pour la mer. Normalement lisses comme de l’huile, ses eaux obscures sont maintenant gonflées de colère. Le vieux phare clignote. Avis de tempête! Les vagues se cassent violemment contre le brise-lame du port. Plusieurs dizaines de foulques naviguent entre les coques des bateaux. Des keukkeuk explosifs s’élèvent de cette flotte noire désorganisée. Enfin un peu de vie dans la grisaille.

Des oiseaux de caractère…

Une forme aplatie, un plumage graphite et un bec crayeux prolongé d’une plaque frontale également blanche : impossible de confondre la foulque macroule avec tout autre habitant du lac. Même pas avec la poule d’eau dont souvent on lui donne abusivement le nom.

Pour cet oiseau au tempérament nerveux, il n’y a pas de demi-mesure. Tout est noir ou blanc. La foulque nage paisiblement en hochant du cou. Mais il suffit d’un rien pour qu’elle adopte sa position offensive en corvette. Plumes gonflées, ailes entrouvertes et relevées en triangle au-dessus du dos, miniqueue dressée à la verticale et tête tendue au fil de l’eau. Une autre macroule a probablement tenté une incursion dans son territoire, se croyant peut-être dans des eaux internationales…

En poussant des cris d’abordage, le corsaire fait voile vers son ennemi. Celui-ci s’apprête à l’affronter, également profilé en navire de guerre. Lorsque la bagarre éclate, coups de bec, courses et battements d’ailes s’enchaînent. L’eau gicle en tous sens… Une spectaculaire bataille navale entre les bateaux des hommes. Après plusieurs controverses lacustres, la flottille de macroules s’accorde une trêve.

Une à une, les frégates se transforment en sous-marins. Un bref saut sur place pour prendre de l’élan et… plouf ! Elles plongent à la verticale. Dix secondes plus tard, les voilà qui remontent à la surface comme de gros bouchons avec un bout de zostère ou de characée dans le bec. Elles avalent les algues en secouant la tête avant de s’immerger à nouveau pour une nouvelle pêche.

Foules des foulques

Dès le mois d’octobre, les effectifs de foulques macroules, sur les lacs, augmentent de jour en jour sans qu’on voie jamais des oiseaux voler. D’où viennent-elles donc ? De nombreuses hivernantes rejoignent les macroules locales sédentaires… en migrant de nuit ! Malgré leur décollage laborieux, ces oiseaux très endurants peuvent parcourir jusqu’à 300 kilomètres en une seule étape.

Une fois parvenue à destination, la foulque se retrouve sur tous les plans d’eau de plaine. Rarement chassée et souvent ignorée par l’homme, elle se hasarde volontiers en pleine ville où elle se laisse approcher à quelques mètres. Cette proximité avec l’homme la protège des busards et autres prédateurs. De plus, les eaux enrichies en nutriments favorisent la prolifération des algues dont elle se nourrit. Enfin, elle profite des bouts de pain sec lancés aux canards et aux mouettes. Au printemps, il n’est pas rare de découvrir un nid de foulque en plein milieu du port !

Découvrez la Salamandre !

Cet article est tiré du numéro 235 de la Salamandre. Tous les deux mois, ce magazine vous propose de découvrir lesmerveilles de la nature qui nous entoure. Renseignements et abonnements sur www.salamandre.net.

Texte Alessandro Staehli & Sophie Giriens

(La Salamandre), Dessins Jérôme Gremaud

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